samedi 10 mars 2012

C. La Synapse

i. Introduction à la synapse


Définition
Le fonctionnement du système nerveux cérébral repose sur la circulation de l’in-formation le long d’enchaînements neuro-naux reliés par des synapses. La synapse, du grec sunapsis, signifiant union, liaison, point de jonction ; désigne une zone de contact fonctionnelle entre un neurone et la cellule réceptrice de son influx électri-que, (pouvant être un autre neurone, une cellule musculaire, endocrine…). Autrement dit, la synapse marque le lieu de commu-nication entre un neurone affecteur et une cellule effectrice.


En moyenne, un neurone est doté 1000 à 10 000 corpuscules nerveux terminaux[1], ce nombre pouvant s’élever à 200 000. La cellule étant ainsi stimulée par un nombre faramineux d’autres neurones, les assemblages cellulaires du système nerveux sont extrêmement complexes. Cette photo révèle alors explicitement l’interconnexion formidable des cellules nerveuses (en rose) par les biais de dendrites et d’axones (filaments bleus) se terminant par des synapses.

Localisation des synapses
Les synapses du corps humain peuvent être caractérisées selon leur localisation sur la cellule nerveuse. Les synapses situées entre les boutons synaptiques d’un neurone et les dendrites d’autres neurones sont appelées synapses axodendritiques. Celles qui lient les corpuscules nerveux terminaux d’un neurone au corps cellulaire d’autres neurones sont dites synapses axosomatiques. Les synapses joignant deux axones sont des synapses axoaxonales, entre deux dendrites, dendrodendritiques, et entre les dendrites d’un neurone et le corps cellulaire d’un autre neu-rone : dendrosomatiques. En revanche, ces trois derniers types de synapses sont bien plus rares et leurs fonctionna-lités restent encore à éclaircir.



ii. Synapses électriques

Définition
Relativement peu abondantes, les synapses élec-triques sont caractérisées par la présence d’une jonction ouverte entre les membranes plasmiques de deux neurones adjacents (séparées d’un espace d’environ 3nm). Ces cellules sont alors « électriquement couplées » par une ouverture appelée gap junction. Les membranes plasmiques attenantes contiennent des protéines transmem-branaires de transport passif qui font commu-niquer les deux neurones. En effet, ces canaux permettent le passage immédiat d’ions d’une cellule à une autre, afin de transmettre une modification de polarité de la part du neurone présynaptique au neurone postysynaptique.


Principes

Les « gap junctions » sont formées par connexion des canaux protéiques. Ces pores sont entreposés les uns en face des autres, créant une continuité électrique entre deux cellules nerveuses. Ce mouvement ionique im-perturbé signifie que les deux cellules auront le même potentiel membranaire. Ainsi, ce mode de transmission permet un transfert de potentiel ininterrompu, quantitativement conservateur, et donc profitant d’une conduction[2] de courant instantanée (à 0.000001 secondes près). Ces propriétés de la synapse électrique lui permet-tent principalement de synchroniser l’activité fonctionnelle de populations cellulaire. Effectivement, un neurone ne possédant que des connexions sous forme de synapses électriques peut, du fait d’une transmission de potentiel instantanée et conforme, propager le même influx nerveux au même moment à des milliers d’autres neurones. Ceci va en principe entraîner une réaction identique des cellules effectrices, et causer une synchronisa-tion électrique de celles-ci.

 

Fonctions macroscopiques

Les synapses électriques jouent un rôle important dans de nombreux domaines, notamment ceux qui appellent à la manifestation synchronisée du tissu nerveux. Elles sont hautement impliquées dans le réveil du système nerveux central, ainsi que dans l’attention mentale et la perception consciente. Il y a également des synapses électriques axoaxonales dans l’hippocampe, une région liée aux émotions et à la mémoire. Mais elles sont le plus impliquées dans le développement cérébral embry-onnaire. En effet, ces synapses interviennent dans l’échange de signaux qui permet-tent l’enchaînement adéquat des neurones.

iii. Synapses chimiques

 

Définition

La synapse chimique est la plus fréquente des synapses du système nerveux. Contrairement aux synapses électriques qui permettent le transfert direct d’ions entre neurones, les synapses chimiques utilisent un inter-médiaire à la propagation du signal électrique : les neurotransmetteurs. Une synapse chimique est composée de deux éléments fondamentaux ;

 

Le corpuscule nerveux terminal d’un neurone présynaptique, contenant en son cytoplasme des centaines de vésicules synaptiques, renfermant chacune des milliers de neurotransmetteurs.

La région réceptrice d’un neurone postsynaptique. Cette région peut être une dendrite, un axone, ou bien un corps cellulaire, sur laquelle sont disposés des récepteurs spécifiques[3] réagissant au neurotransmetteur.

 

Puisque la fente synaptique[4], d’une synapse chimique est d’environ 30 à 50 nm de largeur, le courant induit par un potentiel d’action ne peut se propager entre les deux cellules sans être significativement atténué. De ce fait, la synapse chimique effectue une traduction du « message » électrique sous forme de potentiel membranaire en « message » chimique sous forme de neurotransmetteurs, avant d’être incorporé et retransmis sous forme électrique par le neurone postynaptique.

 

 

Transfert de l’information dans une synapse chimique

 

1) Le potentiel d’action atteint le bouton synaptique

 

Le potentiel d’action du neurone présynaptique s’est propagé tout le long de l’axone et atteint le corpuscule nerveux terminal. Le processus peut alors se déclencher.

 

2) Entrée d’ions calcium

 

Lorsque la dépolarisation du potentiel d’action atteint le bouton synaptique, les canaux à calcium voltage-dépendants locaux s’activent. Le potentiel d’équilibre de l’ion Ca2+ étant de +131.2mV, son driving force, même au moment du pic du potentiel est de -101.2mV, ce qui est considérable. Il s’opère donc une très forte diffusion de calcium le long de son gradient électrochimique, soit, à l’intérieur de la membrane. Cette phase de flux calcique est en revanche très brève, car les canaux à calcium s’activent au moment du pic de la dépolarisation et s’inactivent alors que la membrane est encore en pleine repolarisation (soit, une période de 0.5ms).

3) Libération du neurotransmetteur

 

Une fois à l’intérieur de la membrane du corpuscule nerveux terminal, les ions Ca2+ servent de messagers intercellulaires, qui à terme engendrent l’exocytose des neuro-transmetteurs.

 

Priming

Avant que les neurotransmetteurs soient libé-rés, il faut qu’au préalable la vésicule se soit préparée à l’exocytose. Cette étape s’appelle le priming et permet aux vésicules synaptiques d’être rapidement disponibles à la fusion avec la membrane du bouton synaptique lorsque celui-ci reçoit un potentiel d’action. Un com-plexe protéique du nom de SNARE assure alors ce processus. Il est composé d’une SNARE vésiculaire (la synaptobrevine), d’une de membrane plasmique (la synta-xine) et d’une régulant l’assemblage des deux autres (la SNAP-25). La vésicule peut alors s’accrocher à la membrane du corpuscule nerveux terminal lorsque les protéines sont en place. Dans le schéma 2, la vésicule est fin prête pour l’exocytose.



Fusion

La dépolarisation active les canaux calciques à proximité de la vésicule : il y a alors agglomérat d’ions Ca2+ aut-our du complexe SNARE. La synaptotagmine, représentée en orange sur les schémas, est une protéine hautement réactive au calcium, et capable d’interagir avec le groupe SNARE. Dès que le flux d’ions Ca2+ y parvient, celle-ci active le complexe protéique afin qu’il « décou-pe » les deux membranes adjacentes. On observe ainsi une sorte de fusion entre la vésicule et le bouton synaptique. Il y a donc création d’un pore dans la mem-brane du corpuscule nerveux terminal, et le neuro-transmetteur est alors libre de diffuser par exocytose vers le milieu extracellulaire. Le calcium résiduel quand à lui est rapidement retiré du milieu intracellulaire : il est soit absorbé par les mitochondries[5], soit expulsé par des pompes transmembranaires à sodium.

 

Codage chimique du signal synaptique

Lorsqu’un potentiel d’action atteint le corpuscule nerveux terminal, le contenu de nombreuses vésicules se déverse dans la fente synaptique. Rappelons que plus un stimulus est intense, plus la fréquence des potentiels d’action l’est aussi. Afin de conserver ce codage, et donc cette information électrique, le nombre de vésicules synaptiques en exocytose sera proportionnel à la fréquence des potentiels d’actions reçus par le bouton synaptique. En d’autres termes, plus les potentiels d’actions sont fréquents, plus les vésicules seront nombreuses à éjecter leur contenu, et plus l’effet sera marqué sur la cellule postsynaptique.

4) Diffusion du neurotransmetteur

 

Une fois le neurotransmetteur déversé par sa vésicule, il diffuse à travers la fente synaptique et se lie à des récepteurs de la membrane postsynaptique.

 

5) Traduction des neurotransmetteurs en signaux cellulaires

 

Lorsqu’un neurotransmetteur atteint sa cible située sur la région réceptrice de la cellule postsynaptique, elle provoque un potentiel gradué qui se propagera alors longitudinalement sur la membrane de celle-ci. Mais il existe deux façons via lesquelles ce signal chimique sera traduit en signal électrique, régies par deux types de récepteurs distincts.

 


Récepteurs ionotropes

Un récepteur ionotrope est essentiellement un canal ionique ligand-dépendant, exclusi-vement localisé au niveau de la région réceptrice du neurone postsynaptique, dans le cas où le ligand est un neurotrans-metteur spécifique. Suite à sa liaison avec ce neurotransmetteur, le canal ionique s’active, et permet la diffusion de l’ion pour lequel celui-ci est sélectif, produisant alors un courant électrique. Ce courant électrique à travers la membrane engendre une modification de potentiel membranaire sous forme d’hyperpolarisation ou de dépolarisation, entrainant la création d’un potentiel gradué. Ils convertissent alors de manière rapide (en fractions de millisecondes) un message présynaptique chimique ; le neurotransmetteur, en message postsynaptique électrique ; le potentiel gradué. Le récepteur ionotrope s’inactive de par lui-même après une liaison de quelques millisecondes avec son ligand, mettant un terme à la production de potentiels gradués.

 

Récepteur métabotrope

Les récepteurs métabotropes sont des protéines transmembranaires qui s’activent en réponse à un neurotransmetteur (ici, nommé premier messager) spécifique. Ceux-ci sont assignés à des enzymes[6] spécialisées contenues dans le cytoplasme. Lors d’une liaison à un ligand, ce récepteur change de configuration, ce qui active l’enzyme (la plus courante étant la protéine G trimérique), à laquelle il est associé. Cette dernière converti alors directement ou indirectement un substrat chimique prédisposé en un métabolite[7] intracellulaire biologiquement actif : messager secondaire. Ce messager agit ensuite sur l’ensemble de la cellule ; il peut modifier le métabolisme ou la synthèse protéique cellulaire, inhiber voir favoriser l’expression d’un gène, ou encore activer des canaux ioniques et produire un potentiel gradué. Ainsi, selon le neurotransmetteur émis par la cellule présynaptique, l’effet sur la cellule postsyna-ptique varie radicalement.



Ce schéma représente la cascade d’évènements chimiques suite à la liaison entre un premier messager et un récepteur métabotrope. A noter qu’ici l’enzyme activée est une protéine G trimérique, qui agit par le biais d’une protéine transmembranaire « Adénylate cyclase » sur une molécule substrat : l’ATP. Ce substrat est ensuite converti en AMPc (Adénosine Mono Phosphate cyclique) qui provoque de nombreuses réactions chimiques au sein de la cellule, dont notamment l’ouverture de canaux ioniques, produisant ainsi un changement de polarité membranaire : signal électrique.

 

Différences entre récepteurs

Ces deux récepteurs ont un rôle commun : la transmission du « message » nerveux. En revanche, ces deux types de protéines diffèrent énormément sur de nombreux points essentiels. Par opposition aux récepteurs ionotropes qui ont une durée d’action d’à peine une milliseconde, les récepteurs métabotropes agissent (grâce à leurs enzymes associées) des secondes entières, voir plusieurs minutes. En effet, les protéines de type ionotrope servent à la transmission spontanée d’influx électrique : ils s’activent dont très rapidement et s’inactivent presque aussitôt. Le type métabotrope, quand à lui, utilise un ou plusieurs intermédiaires afin de réaliser sa fonction primaire de transmission, l’activation est donc plus lente, mais la portée du « message » nerveux agit plus longtemps sur la cellule postsynaptique. De plus, les effets des récepteurs ionotropes sont relativement localisés, puisque la liaison avec un neurotransmetteur n’ouvre qu’un canal ionique. Contrairement aux récepteurs métabotropes, qui eux, ont une incidence plus diffuse sur la cellule, car les messages secondaires qu’ils mettent en marche occupent un plus grand domaine spatial, ainsi qu’une plus grande marge de manœuvre fonctionnelle.

 

6) Fin des effets du neurotransmetteur

 

Tant qu’un neurotransmetteur agissant tel un ligand est lié à un récepteur de la membrane du neurone postsynaptique, le récepteur reste activé. Donc tant qu’il est lié à un canal ionique ligand-dépendant, celui-ci continuera d’agir sur la perméabilité de la membrane postsynaptique. Or, cette liaison ne peut durer que quelques milli-secondes (pour les deux types de récepteurs cités ci-dessus), car lorsqu’un récepteur est lié à son ligand, il est insensible à tout autre neurotransmetteur. Afin que le neurone postsynaptique puisse réagir à d’autres messages nerveux, une phase de « nettoyage » doit s’appliquer, les effets des neurotransmetteurs sont alors dits réversibles. La cessation de ceux-ci s’effectue via trois mécanismes : le recaptage, la dégradation, et la diffusion. Les molécules de neurotransmission peuvent être rein-corporées dans le corpuscule nerveux terminal et soit emmagasinées dans de nou-velles vésicules ou transformées à l’intérieur de celui-ci. Certains neurotransmetteurs sont également dégradés par des enzymes situées sur les membranes plasmiques des deux neurones et dans la fente synaptique. Et enfin, tout système n’étant pas infaillible, les neurotransmetteurs restants diffusent à l’extérieur de la fente syna-ptique. Ceci n’est le cas que pour une petite quantité de neurotransmetteurs.


 

Délai synaptique

Nous avons vu qu’un potentiel d’action peut se propager à des vitesses avoisinant les 150 m/s. En revanche, la transmission à travers la synapse chimique est plus lente, constituant alors l’étape limitante de la propagation du message nerveux. Ce qui s’explique par le fait que l’exocytose, la diffusion du neurotransmetteur, sa liaison et période de latence dans l’activation du récepteur représente une sorte d’interru-ption dans la propagation du signal. Ceci dit, le délai d’action synaptique ne dure qu’environ 0.5ms, et n’est perceptible qu’à très petite échelle. Ce phénomène explique la rapidité de transmission électrique dans les voies nerveuse composées d’un petit enchaînement de neurones : observé lors d’un réflexe. A contrario, la transmission à travers un enchaînement plus complexe de neurones se traduit par une vitesse de propagation plus lente, caractérisant par exemple le fonctionnement mental supérieur.

iv. Synapses chimiques excitatrices et inhi-bitrices et PPS

 

Définition

 

Une majorité des récepteurs présents sur la membrane postsynaptique d’une synapse chimique ont pour fonction de convertir les neurotransmetteurs en signaux électri-ques. Ces canaux ligand-dépendants sont relativement insensibles à des variations de potentiel membranaire, et donc incapables de générer un cycle de rétroactivation. Par conséquent, ils provoquent des modifications locales de potentiel sans activer de canaux ioniques voltage-dépendants voisins. Cette modification de polarité entraine donc un déplacement longitudinal d’ions sur la membrane plasmique : un potentiel gradué. Ils sont gradués en fonction de la quantité et la durée d’action du neuro-transmetteur déversé dans la fente synaptique. Selon l’effet produit sur le potentiel membranaire de la cellule postsynaptique (potentiel postsynaptique, ou PPS), les synapses chimiques sont divisées en deux catégories ; les synapses excitatrices et inhibitrices.

 

Synapses excitatrices et PPSE

 

Dans une synapse excitatrice, la liaison des neurotransmet-teurs aux récepteurs postsynaptiques provoque une dépola-risation de cette membrane. Les ligands ouvrent un type de canal ionique spécifique au calcium et potassium. Ces canaux permettent la diffusion simultanée des ions Na+ et K+ à travers la membrane. Puisque ces canaux sont sélectifs aux ions calcium et potassium, les conductances à ces deux ions de la région réceptrice du neurone postsynaptique ont la même valeur. Le driving force[8], lorsque la cellule est au repos, du K+ étant +18.5mV et du Na+ étant -131.6mV ; à conductances égales, le sodium va diffuser plus fortement à travers la membrane que le potassium. Ces deux ions ayant des driving forces de signes opposées, ils vont donc suivre des gradients électrochimiques opposés : le potassium allant du milieu intracellulaire au milieu extracellulaire, et le sodium faisant le trajet inverse. L’entrée de sodium est alors environ 7.1 fois plus importante que la sortie de potassium, se traduisant par une accumulation de charges positives à l’intérieur de la membrane. Cette accumu-lation constitue une dépolarisation capable de se propager sous forme de potentiel gradué.

 


A noter qu’une dépolarisation au niveau de la région réceptrice d’un neurone n’atteint jamais une valeur bien supérieure à -13.45 mV, même si tous les canaux ligand-dépendants sont activés. Malgré le fait que cette valeur dépasse largement le seuil d’excitation de déclenchement d’un potentiel d’action, le corps cellulaire et les dendrites d’un neurone ne pourraient jamais produire de potentiels d’action car ces membranes sont dénudées de canaux ioniques voltage-dépendants : le cycle de rétroactivation est impossible.

Cette valeur maximale de -13.45mV a beau sembler arbitraire, mais elle ne l’est en réalité pas du tout. En effet, une inversion de potentiel est impossible car dans une synapse excitatrice, les mouvements opposés des ions potassium et calcium empêchent une trop grande accumulation de charges positives à l’intérieur de la membrane. A conductances égales, le seul facteur influant sur la l’intensité du courant traversant la membrane est le driving force. Lorsque la cellule est au repos, le driving force du sodium est bien plus important que celui du potassium et donc sa force de diffusion est plus intense. Or, plus la membrane se dépolarise, plus l’ion Na+ se rapproche de son potentiel d’équilibre, et plus l’ion K+ s’en éloigne. Donc, quand le potentiel membranaire augmente, le flux de sodium diminue progressi-vement, au profit d’un flux potassique qui s’intensifie, jusqu’à atteindre une différence de potentiel de -13.45mV, où VDf.K+ = VDf.Na+ : les flux s’opposent exactement.

 

Ces phénomènes locaux de dépolarisation, ou potentiels gradués, différents des potentiels d’action, se nomment potentiels postsynaptiques. Dans le cas d’une synapse excitatrice, ce potentiel est dit potentiel postsynaptique excitateur (PPSE). Ils sont nommés excitateurs car leur seule fonction est de favoriser la production d’un potentiel d’action. Malgré le fait que l’intensité du PPSE décroît avec la distance, il est tout de même capable de se propager le long de la membrane plasmique afin d’atteindre cône d’émergence de l’axone. Les PPSE suffisamment puissants pour dépolariser ce cône jusqu’à la valeur du seuil d’excitation, provoquent alors l’ouverture des canaux sodiques voltage-dépendants, un cycle de rétroacti-vation, et enfin, un potentiel d’action.

 

Synapses inhibitrices et PPSI

 


Les neurotransmetteurs d’une synapse inhibitrice, neuro-transmetteurs inhibiteurs se lient soit à des canaux chloriques, ou potassiques ligand-dépendants (et parfois les deux dépendant du ligand). Il s’opère alors une sortie d’ions potassium vers le milieu extracellulaire et une entrée de chlorure vers le milieu intracellulaire : son driving force au repos étant de (-2.4mV). Ces deux processus entrainent respectivement une diminution de charges positives, et une augmentation de charges négatives à l’intérieur de la membrane postsynaptique : constituant ainsi une hyperpolarisation de la membrane. De ce fait, lorsque les potentiels postsynaptiques inhibiteurs (PPSI) atteignent le cône d’émergence d’un axone, ils réduisent la capacité d’un neurone à produire un potentiel d’action, ils inhibent donc sa création.


 

Ce schéma nous montre à quoi ressemblent les PPSE et PPSI (EPSP et IPSP en anglais) en termes de volt-age membranaire par rap-port au seuil d’excitation (firing threshold en anglais). La valeur absolue des PPSE et PPSI monosynaptiques varie de 0.06mV à 2mV, avec une moyenne de 0.27mV.

 

v. Sommation des PPS

 

Définition

 

Un seul PPSE ne peut produire une dépolarisation suffisante au niveau du cône d’émergence susceptible de déclencher un potentiel d’action, ils sont alors considérés comme étant des stimuli infraliminaires. En revanche, puisqu’un neurone possède des dizaines de milliers de synapses, la réception de nombreux PPSE augmente la probabilité d’atteindre la dépolarisation liminaire. Ceci résulte des propriétés accumulatrices[9] des PPS le long de la membrane du neurone postsyna-ptique. Sans cette addition, ou sommation des dépolarisations postsynaptiques, un neurone ne pourrait jamais émettre de potentiels d’action. Il existe deux mécanismes utilisés par les cellules nerveuses afin de faire la « somme » des PPS, la sommation temporelle et la sommation spatiale.

 

Sommation temporelle

 

La sommation temporelle en neurophysiologie est la somme des PPS, ayant lieu au niveau du cône d’émergence lorsqu’au moins un corpuscule nerveux terminal d’un neurone présynaptique effectue une libération rapide, successive et rapprochée de neurotransmet-teurs. Ce type de sommation provient donc directement de la fréquence des potentiels d’action se propageant le long de l’axone de la cellule présynaptique, il est ainsi parfois appelé sommation fréquentielle. Dans le sché-ma représenté ci-contre, la synapse W est une synapse chimique excitatrice, et les indices 1, 2 et 3 sont les PPSE consécutifs qu’elle produit sur la membrane de la cellule postsynaptique.

 


Le premier potentiel d’action produit une dépolarisation sur la membrane du neurone postsynaptique (par le biais d’un neurotransmetteur excitateur), et, avant que le PPSE ne se dissipe, un second PPSE, issu d’un deuxième potentiel d’action successif, se déclenche. Puis un troisième, un quatrième ; ce processus pouvant atteindre près de 1000 PPSE par seconde dus au même bouton synaptique. Ces PPSE entraînent alors une dépolarisation bien plus importante que celle qui aurait résulté d’un seul PPSE.

 

Lorsque cette sommation atteint la valeur du seuil d’excitation, un potentiel d’action est généré. A noter que cette sommation s’applique aussi bien aux PPSI : causant une hyperpolarisation importante de la membrane neuronale postsynaptique, éloignant significativement le potentiel membranaire (du cône d’émergence) du seuil d’excitation fixé à -55mV.

 

Sommation spatiale

 

La sommation spatiale est une addition de PPS qui se déroule lorsque le neurone postynaptique est stimulé simultanément par un grand nombre de corpuscules nerveux terminaux. De nombreux récepteurs postsynaptiques sont ainsi activés, et une production importante et simultanée de PPS s’observe. Ces derniers subissent alors une sommation qui dépolarise fortement la membrane postsynaptique (dans le cas de PPSE) ou l’hyperpolarise intensément (dans le cas de PPSI). Dans le schéma ci-contre, W et X sont des synapses chimiques excitatrices, et W+X est la sommation spatiale des PPSE issus de ces synapses.


 

Intégrations nerveuses du cône d’émergence

Un neurone type étant lié par synapses à des milliers d’autres neurones, il reçoit par conséquent de nombreux PPS excitateurs et inhibiteurs provenant de boutons syna-ptiques divers. Malgré ce semblant de désordre, tous ces signaux électriques sont in-tégrés et interprétés par le neurone postsynaptique au niveau du cône d’émergence de l’axone.

Ce cône d’émergence additionne tous les PPS qui lui proviennent, même les PPSE et PPSI entre eux. On explique ceci par le principe qu’un PPSE et un PPSI de mêmes valeurs s’annulent. Le corollaire de ceci est que lorsqu’un PPSE est plus important qu’un PPSI, la membrane se dépolarise à la hauteur de la somme de voltage transmembranaire de ces deux PPS ; l’inverse s’appliquant également lorsque l’inhibition est plus conséquente que l’excitation. On prend par exemple un PPSE de +1mV et un PPSI de -0.9mV. La sommation de ces deux potentiels donne une dépolarisation membranaire de +0.1mV (1 - 0.9). Ainsi, pour produire un stimulus liminaire, et par extension un potentiel d’action, il faut que l’effet des PPSE domine suffisamment l’effet des PPSI afin d’atteindre le seuil d’excitation. Autrement dit, il faut que la sommation de tous les PPS s’élève à une valeur de +15mV par rapport au potentiel de repos, puisque le seuil est de -55mV.

En revanche, lorsque la sommation des PPS atteint une valeur comprise entre +15mV et 0mV, la membrane postsynaptique subit une dépolarisation infraliminaire : elle est donc partiellement apte à générer un potentiel d’action. Les neurones postsynap-tiques dans cet état là sont dits en phase de facilitation, car ils sont plus facilement excitables puisque leur potentiel membranaire est déjà proche du seuil d’excitation.

Dans le cas où l’importance des PPSI l’emporte sur celle des PPSE, la membrane du cône d’émergence est hyperpolarisée. Le neurone est alors moins enclin à produire un potentiel d’action, et il lui faudrait une série de PPSE exceptionnellement puis-sants pour dépolariser sa membrane, il est dit inhibé. Ainsi, le potentiel membranaire du cône d’émergence de l’axone est représentatif à tout instant la somme des informations nerveuses parvenant au neurone postsynaptique.

 





[1] Le corpuscule nerveux terminal, ou bouton synaptique, est l’extrémité de « l’arborisation » d’un axone. Certains boutons synaptiques se forment également le long d’un axone, et prennent alors le nom de « boutons en passant ».
[2] Selon la nature de la synapse, la propagation du courant peut être soit unidirectionnelle ou bidirection-nelle.
[3] Voir page 26.
[4] La fente synaptique est l’espace rempli de liquide interstitiel séparant les membranes des neurones pré et postsynaptiques, soit, la distance entre un corpuscule nerveux terminal et une région réceptrice.
[5] Un compartiment au sein d’une cellule (organite) primordial au métabolisme de celle-ci.
[6] Une enzyme est une protéine qui catalyse, ou provoque des réactions chimiques, qui n’auraient pas lieu sans elle. Dans une réaction enzymatique, les molécules initiales (au début du processus) sont appelées substrats et sont convertis au cours de la transformation en produits.
[7] Un métabolite est un composé organique intermédiaire (ce qui est le cas ici), ou issu du métabolisme. On précise que le métabolisme, présenté avec les mitochondries à la page précédente, désigne toutes les transformations chimiques qui prennent place à l’intérieur d’une cellule.
[8] On rappelle que plus la valeur absolue du driving force d’un élément est grand, plus celui-ci diffuse fortement à travers la membrane. De plus, pour des ions chargés positivement, lorsque VDf > 0, l’ion sort de la cellule et lorsque VDf < 0, l’ion entre dans la cellule.

[9] Les potentiels postsynaptiques s’accumulent. En quantifiant, cela veut simplement dire que la réception de deux PPSE ayant des valeurs de 0.4 et 0.6mV par le cône d’émergence dépolarise la membrane de ce cône d’une valeur de 1mV. De même pour les PPSI, de valeurs -0.3 et -0.5mV, entrainant une hyperpolarisation de -0.8mV au niveau du cône.




Table des Matières



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