Dans les neurones, les modifications du potentiel de
membrane servent à la transmission, la réception et la propagation de signaux
électriques nerveux. Un potentiel de membrane peut être modifié soit par :
un changement des concentrations ioniques de part et d’autre de la membrane
plasmique, ou par n’importe quel agent capable de modifier la perméabilité de
la membrane à un ion. Cependant, puisque le changement de perméabilité
membranaire entraîne l’altération de concentrations ioniques entre le milieu
intra et extracellulaire ; lors de la transmission d’informations
électriques, seuls les modifications de perméabilité sont essentielles.
Les termes de dépolarisation, repolarisation et
hyperpolarisation sont employés pour décrire des modifications de potentiel
membranaire par rapport au potentiel de repos.
La dépolarisation
La dépolarisation d'une cellule, en neurosciences,
désigne la réduction transitoire du potentiel membranaire : la face
interne devient alors moins négative (se rapproche de 0) que le potentiel de
repos. Autrement dit, le passage d’un potentiel membranaire de -70mV à -50mV
constitue une dépolarisation. Le phénomène de dépolarisation est également
observé lorsque le potentiel de membrane s’inverse et devient positif, par
exemple lorsque le potentiel membranaire effectue un passage de -70mV à +30mV.
La repolarisation
La
repolarisation d’une cellule s’effectue après une dépolarisation. Celle-ci
désigne un retour du potentiel membranaire d’une valeur positive à une valeur
égale au potentiel de repos. En d’autres termes, une repolarisation est
l’inverse d’une dépolarisation, correspondant par exemple au passage du
potentiel membranaire de +30mV à -70mV.
L’hyperpolarisation
L’hyperpolarisation est un processus transitoire
cellulaire qui se produit lorsque le potentiel membranaire augmente et devient
plus négatif que le potentiel de repos. Cela constitue, par exemple, une
variation du potentiel membranaire de -70mV à -90mV.
Définition
Les potentiels
gradués sont des modifications locales et de courte durée du potentiel de
membrane résultant de la présence d’un stimulus : ce sont soit des
dépolarisations, soit des hyperpolarisations. Ces changements engendr-ent
l’apparition d’un courant électrique local et dont le voltage, ou potentiel
mem-branaire, diminue avec la distance. On les appelle alors potentiels gradués
parce que leur voltage est directement proportionnel à l’intensité ou la force
du stimulus. En somme, plus le stimulus est intense, plus le voltage augmente
et plus le trajet parcouru est grand.
Les potentiels
gradués sont déclenchés par des modifications dans le milieu extracellulaire du
neurone, entrainant alors l’ouverture locale des canaux ioniques
transmembranaires de la cellule. Ces potentiels gradués portent une
nomenclature différente selon leur origine et leur fonction. Lorsqu’un neurone
sensitif[1]
est stimulé par une forme d’énergie (température, pression etc.) ; le
potentiel gradué qui en résulte est appelé potentiel récepteur, ou bien
potentiel générateur. Mais alors, quand le stimulus est un ligand, (un
neurotransmetteur par exemple) libéré par un autre neurone, le potentiel gradué
s’appelle alors potentiel postsynaptique. Le terme de
« postsynaptique » désigne la position du neurone par rapport avec la
synapse ; donc lorsqu’il reçoit un ligand déversé par un neurone
présynaptique, un potentiel postsynaptique s’en suit.
Propagation
Il est tout d’abord important de savoir que le cytoplasme
et le milieu extracellulaire sont de bons conducteurs. En effet, dès lors qu’il
se produit un changement de potentiel membranaire (soit une dépolarisation,
repolarisation ou hyperpolarisation), il s’effectue un flux d’ions, qui produit
un courant électrique. Ce courant électrique sera ainsi précurseur de l’influx
nerveux.
Prenons l’exemple représenté dans ces deux
schémas. Dans le premier, on observe une dépolarisation locale de la membrane
plasmique au niveau du stimulus. Celui-ci entraîne alors l’ouverture de canaux
ioniques[2]
locaux réagissant au stimulus, qui donne lieu à un courant se propageant des
deux côtés de la membrane entre la région dépolarisée et les régions adjacentes
non dépolarisées qui observent leur potentiel de repos.
Schéma
1 : Dépolarisation en
rouge.
A l’intérieur de la membrane
Autrement dit, les ions positifs (ou cations) présents
sur la face interne de la membrane dépolarisée (plus positive) vont migrer vers
les régions contiguës (plus négatives). Ces régions sont d’ailleurs plus
négatives car elles n’ont pas encore étés dépolarisées. Et inversement, les
ions négatifs (anions) présents sur la face interne de la membrane vont migrer
vers l’épicentre de la dépolarisation. Les anions et les cations se propagent
alors dans des sens opposés, respectivement vers la zone de dépolarisation
initiale et en s’éloignant de la zone de dépolarisation initiale. A noter que
c’est le sens de mouvement des cations qui décrit le sens du flux du courant,
puisque les anions ne font que rebrousser ce chemin. A l’intérieur de la
cellule, on assiste donc à une ruée de cations quittant les régions
dépolarisées pour s’accumuler dans les zones avoisinantes moins positives, où
ceux-ci délogent des anions qui font alors le trajet inverse.
A l’extérieur de la membrane
Ici, les rôles sont inversés, puisque les cations vont
migrer vers la zone de dépolarisation (qui est moins positive), et les anions
migrent hors de cette région vers des zones plus positives, donc pas encore
dépolarisées. On observe alors le phénomène suivant : les anions à
l’extérieur de la membrane et les cations à l’intérieur de la membrane se
propagent dans le même sens et au même rythme. L’inverse est donc également
vrai.
Considérons alors l’intérieur de la membrane (lire en
parallèle avec les schémas de la page précédente pour une meilleure
compréhension). La ruée de cations vers une région
G voisine de la
dépolarisation initiale (moins positive) se traduit par l’accumulation d’ions positifs à cet
endroit. Cette zone va alors se charger positivement. L’inverse se déroule
alors également à l’extérieur de la membrane : les anions se déplacent
dans le même sens et au même rythme que les cations, accumulant des charges
négatives à l’extérieur de la membrane, dans la même région G voisine à la
dépolarisation. On peut donc dire que la membrane plasmique se dépolarise à
nouveau au niveau des zones adjacentes à la dépolarisation initiale. C’est
ainsi que le déplacement longitudinal des ions le long de la membrane entraine
une modification de potentiel dans les régions proches. En somme, un potentiel
gradué est une propagation de dépolarisations, ou d’hyperpolarisations dans le
cas inverse, successives le long d’une membrane cellulaire.
Décroissance du potentiel gradué
Comme nous
l’avons vu dans le chapitre précédent concernant le transport membranaire,
toute membrane cellulaire est pourvue d’un certain degré de perméabilité à tous
les ions présents dans le cytoplasme ou le milieu extracellulaire. De ce fait,
lors du potentiel gradué, de nombreux ions vont diffuser à travers la membrane
cellulaire afin d’atteindre l’autre côté de celle-ci. En effet, tout en
parcourant de façon longitudinale la membrane, afin d’atteindre un milieu plus
favorable aux ions (moins positif pour les cations et moins négatif pour les
anions), les ions optent aussi pour la traversée de la membrane. Ceci s’observe
par le fait que lors d’une dépolarisation, les cations présents à l’intérieur
de la membrane vont migrer vers l’autre côté de celle-ci (devenue alors moins
positive) et les anions à l’extérieur de la membrane vont migrer à l’intérieur
de celle-ci (devenue alors moins négative). La traversée de ces ions aura comme
effet de stabiliser les charges de part et d’autre de la membra-ne et donc
petit à petit, de décroître la puissance de la dépolarisation.
iii. Principes du potentiel d’action
Définition
Les cellules cérébrales communiquent entre elles et avec
les cellules d’autres organes (glandulaires, musculaires…) par le biais de
potentiels d’action. Généralement, ce sont surtout les neurones et les myocytes
(cellules musculaires) qui peuvent générer de tels potentiels. Vulgarisé sous
le terme d’influx nerveux, le
potentiel d’action est une inversion du potentiel de membrane se propageant le
long d’un axone. Il est défini par des caractéristiques qui lui sont propres…
Il est bref ; Durée d’environ 5 à
30ms millisecondes.
Il est transitoire ; L’inversion du
poten-tiel membranaire est temporaire, puis se rétablit grâce à une
repolarisation de l’axone.
Il est local ; Le potentiel
d’action est constitué de dépolarisations locales suc-cessives progressant le
long de l’axone de façon longitudinale.
Il est stéréotypé ; Se déroule toujours
de la même manière (dépolarisation, repo-larisation, hyperpolarisation),
adopte toujours la même forme, et la même amplitude.
Suite à une modification du potentiel membranaire dû à la
réception de potentiels gradués par la cellule nerveuse, les canaux[4]
voltage-dépendants de l’axone, ou plus précisément du cône d’émergence
(habituellement[5]) de l’axone
s’activent. La mem-brane axonale subit alors une dépolarisation au niveau du
cône. Cette dépolarisation ouvre donc les canaux sensibles au voltage de la
région adjacente à la dépolarisation initiale qui ouvrirons les canaux
suivants, et ainsi de suite. Cette modification de potentiel se déplacera alors
le long de l’axone en faisant office de signalisation électrique.
Codage de l’intensité du stimulus
Sachant que tous les potentiels d’action sont identiques
une fois produits, comment le système nerveux parvient-il à identifier
l’intensité du stimulus afin d’émettre une réponse appropriée ? En
pratique, les stimuli intenses se traduisent par la production de potentiels
d’action à plus grande fréquence que les stimuli faibles. Le corollaire de ceci
étant que l’importance du stimulus est codé par le nombre de potentiels
d’action produits par seconde. Les neurones reconnaissent alors le degré
d’intensité du stimulus grâce à la fréquence des influx qu’ils reçoivent. Le
maximum théorique d’influx produits par seconde est de 500, mais en pratique,
ce nombre tourne plutôt autour de 100.
iv. Déclenchement du potentiel d’action
Différents stimuli et loi du tout ou rien
Précurseurs du potentiel d’action, certains stimuli, sous
forme de potentiels gradués, doivent être reçus et incorporés par le neurone
avant qu’il puisse « faire feu ». Il existe surtout deux types de
stimulus :
Les stimuli infraliminaires : qui, de part leur
nom, désignent des dépolarisations trop peu importantes pour déclencher un
potentiel d’action.
Les stimuli liminaires : entrainant des dépolarisations où le
potentiel membranaire dépasse le voltage
liminaire, autrement dit, suffisamment important pour provoquer un
potentiel d’action.
Le déclenchement d’un potentiel d’action obéit à une loi
du tout ou rien. En effet, le cône d’émergence de l’axone déclenche le
potentiel d’action à pleine amplitude ou ne le déclenche pas du tout. Cette
caractéristique « blanc ou noir » du potentiel d’action signifie
qu’il n’existe pas de signal nerveux intermédiaire : tous sont égaux, donc
stéréotypés.
Mais le facteur critique à l’amorce d’un potentiel
d’action est la quantité totale de courant circulant à travers la membrane
durant un stimulus : [Q = I x t][6] Ainsi, les
stimuli forts dépolarisent rapidement la membrane, alors que les stimuli
faibles doivent être appliqués plus longuement pour que le potentiel de
membrane dépasse le voltage liminaire. Les stimuli trop faibles quand à eux ne
déclenchent jamais de potentiel d’action puisqu’ils se dissipent avant même que
le seuil d’excitation soit atteint.
Seuil d’excitation
Pas tous les phénomènes de dépolarisation ne produisent
des potentiels d’action. Ces dépolarisations doivent atteindre une certaine amplitude,
un certain pallier, qui, cité précédemment, porte le nom de seuil d’excitation.
Les changements de polarités membranaires neuronaux font essentiellement
intervenir deux ions : sodium (Na+) et potassium
(K+). Et c’est le
sodium qui assure les dépolarisations des cellules cérébrales en diffusant à
l’intérieur de celles-ci, et en les rendant plus positives.
Le seuil d’excitation (Ve) est alors
déterminé par le potentiel de membrane, lorsque celui-ci parvient à une valeur
donnée, entre -55 et -50mV. Cela correspond au moment où le voltage associé au
flux d’ions Na+ vers
l’intérieur de la cellule est assez important pour activer les canaux sodiques
voltage-dépendants environnants et produire un cycle de rétroactivation.
Cycle de rétroactivation
Quand une modification de polarité au niveau de la
membrane plasmique atteint son seuil d’excitation, le processus de
dépolarisation/repolarisation est assez conséquent pour assurer sa propre
continuité : l’activation des canaux ioniques environnants se poursuit
d’elle-même. En effet, l’augmentation de la perméabilité membranaire aux ions
due à l’ouverture d’un nombre croissant de canaux intensifie la modification de
polarité. Cette modification, à son tour, augmente le nombre de canaux
voltage-dépendants ouverts, et de ce fait, la perméabilité (et par extension la
conductance) de la membrane aux ions croît. On appelle ceci un cycle de rétroactivation.
v. Etapes du potentiel d’action
La production
du potentiel d’action repose sur trois phénomènes liés modifiant la
perméabilité membranaire : la dépolarisation, la repolarisation et
l’hyperpolarisation. Comme énoncé précédemment, ces évènements sont provoqués
par l’ouverture et la fermeture ordonnée des canaux voltage-dépendants à sodium
et potassium présents sur l’axone du neurone.
1) Etat de repos
Le potentiel de repos est maintenu normalement et tous
les canaux voltage-dépendants sont fermés car les vannes d’activation les
bloquent. Or, remarquez que le canal à sodium possède deux vannes capables de
réagir au changement de potentiel membranaire :
La vanne d’activation : fermée au repos qui s’ouvre rapidement
en réponse à une dépolarisation.
La vanne
d’inactivation : qui bloque le canal une fois que le sodium est proche de
son potentiel d’équilibre.
2) Dépolarisation
Lorsqu’une cellule cérébrale reçoit un potentiel gradué
spécifique[7],
les vannes d’activation des canaux sodiques s’ouvrent rapidement. La période de
dépolarisation est possible grâce au driving force très important de
l’élément sodium (Na+), d’environ
-131mV lors du potentiel de repos; il va donc diffuser en quantité très
importante le long de son gradient électrochimique : vers l’intérieur de
la cellule. Cet afflux de charges positives va dépolariser la membrane jusqu’à
atteindre un cycle de rétroactivation, ici responsable de la phase ascendante
du potentiel d’action. Durant cette phase courte (environ 1ms) du potentiel
d’action, la perméabilité membranaire au Na+ est environ 1000 fois
supérieure à celle de la cellule en période de repos. C’est ainsi que
l’intérieur de la cellule devient de moins en moins négatif et que le potentiel
de membrane s’inverse et grimpe jusqu’à une valeur d’environ +30mV, un maximum appelé pic du potentiel.
La phase de
dépolarisation cesse d’elle-même après environ 1ms car les vannes
d’inactivation des canaux sodiques voltage-dépendants se mettent en œuvre, et
empêchent la diffusion de Na+ à l’intérieur de la cellule. En outre,
puisque le cytoplasme devient de plus en plus positif, il offre une résistance
supplé-mentaire à la rentrée du sodium chargé positive-ment, la dépolarisation
ralentit alors de façon croissante avant de s’arrêter complètement.
Mais alors que le pic du potentiel d’action approche, les
vannes lentes des canaux potassiques voltage-dépendants commencent à s’ouvrir.
La différence de potentiel étant de +30mV au moment du pic, le driving force du
potassium est alors de +118mV. Il s’effectue ainsi une très forte diffusion de
l’élément K+ le long de
son gradient électrochimique : du milieu intracellulaire vers le milieu
extracellulaire.
Un autre cycle de rétroactivation s’opère alors, où le
potassium qui s’échappe su-scite un rapide décroissement des charges positives
à l’intérieur de la cellule couplé d’un fort accroissement de charges positives
à l’extérieur de celle-ci. Le potentiel membranaire baisse alors jusqu’à
atteindre son potentiel de repos. En somme, cette phase (d’environ 2 ms) de
repolarisation est constituée d’une brusque diminution de la perméabilité sodique
et d’une forte augmentation de la perméabilité potassique.
La période de forte perméabilité membranaire aux ions K+ dure plus longtemps
que le temps qu’il n’est nécessaire à la cellule pour revenir au potentiel de
repos. La perte excessive de potassium cause une « suraccumulation »
de charges positives dans le milieu extracellulaire et donc un creusement de
potentiel membranaire. On observe alors sur le tracé du potentiel d’action un
léger abaissement du voltage transmembranaire en dessous de la valeur du
potentiel de repos, atteignant environ -80mV. Le driving force potassique
s’affaiblissant, la force de diffusion de cet élément s’atténue jusqu’à la
fermeture des vannes d’activation des canaux potassiques. De plus, c’est lors
de cette phase d’une dizaine de millisecondes que se réactivent les canaux
sodiques : la vanne d’inactivation se relâche, alors que la vanne
d’activation reste fermée.
5) Retour au potentiel de repos
Vers la fin de la période d’hyperpolarisation, les canaux
reprennent leurs formes originales et se préparent au prochain potentiel
d’action. La perméabilité mem-branaire aux ions K+ et Na+
est restituée à celle observée lors du potentiel de repos. En revanche, contrairement
au gradient électrique, le gradient chimique n’est pas rétabli à la fin du
potentiel d’action. C’est en réalité l’action de la pompe Na+/K+ ATPase qui effectue la redistribution ionique. Bien que
contre-intuitif, cette redistribution est effectuée très rapidement puisqu’en
réalité un potentiel d’action ne fait varier la concentration sodique
intracellulaire que de 0.08%. Sachant qu’il y a plusieurs milliers de pompes par
axone, ces petits déséquilibres sont donc rapide-ment corrigés.
vi. Quantification électrique du potentiel d’action
Dépolarisation
Durant la phase d’amorce du potentiel d’action, soit
immédiatement après l’atteinte du seuil d’excitabilité, la conductance du
sodium grimpe de 0.2 S/m2 à 295 S/m2, ce qui représente
une augmentation en conductivité de 1475. Autrement dit, au commencement du
cycle de rétroactivation, le courant dû aux ions Na+ traversant la
membrane plasmique est de :
I =
gna+
x (Ve – VEq.Na+)
I = 295 (S/m2) x |(-55 - 61.6) x10-3| (V)
I = 38.822 A/m2
Ce résultat représente approximativement une augmentation
du courant électrique traversant la membrane plasmique de 41 000% par rapport
au courant électrique observé lors du potentiel de repos. Le flux d’ions à
travers une membrane durant son potentiel d’action dépend donc énormément de la
conductivité de celle-ci.
Mais allons plus loin. Afin de quantifier cet influx
nerveux au niveau atomique, il est nécessaire de pousser le raisonnement.
Sachant que le diamètre moyen d’un neurone est de 75mm, soit 75x10-6 mètres, je calcule sa
surface (de formule 4pr2) :
S = 4p x (37.5x10-6)2
S = 1.77x10-8 m2
On sait de plus que gna+ = 295 S/m2. Calculons alors la
conductivité totale au sodium d’une cellule neuronale en dépolarisation lors
d’un potentiel d’action :
295 x 1.77x10-8 = 5.2x10-6 Siemens
Ainsi, nous pouvons calculer la valeur absolue du courant
traversant une membrane plasmique lors de cette phase du potentiel d’action, en
multipliant la conductance totale par le driving force de l’élément sodium. En
revanche, le driving force de l’élément sodium est variable au cours du
potentiel d’action, puisque cette valeur est définie par rapport au potentiel
membranaire, qui passe de -55 à +30mV. Il s’agit alors de moyenner le driving
force du sodium :
[(-55 -61.6) + (30 -61.6)] / 2 = -74.1mV
I’ = 5.2x10-6 x |(-74.1)x10-3|
I’ = 3.8x10-7 A (dus au sodium) traversent la membrane plasmique.
Et enfin, il est établi que la charge d’un ion monovalent[8]
est de 1.602x10-19 Coulombs.
Puisque l’on connaît l’intensité totale du courant électrique :
I’/1.602x10-19 = 2.4x1012 ions
sodium traversent la membrane par seconde, et puisque la dépolarisation dure
environ 1ms, ceci équivaut à dire que la dépolarisa-tion du potentiel d’action
fait intervenir 2.4 milliards d’ions Na+ !
Repolarisation
Alors que la conductance membranaire aux ions Na+ est facilement
mesurable tout au long de la dépolarisation, la conductance aux ions K+ durant la
repolarisation l’est beaucoup moins. Ceci s’explique par le fait qu’une fois le
potentiel membranaire atteint la valeur du seuil d’excitation, les vannes
d’activation de tous les canaux sodiques s’ouvrent immédiatement. La
conductance augmente donc drastiquement au moment de la dépolarisation et reste
constante jusqu’au pic du potentiel d’action.
En revanche, puisque les vannes d’activation des canaux
potassiques sont plus lentes, et moins synchronisées, la valeur de conductance
du potassium au cours de la repolarisation est moins stable. Il est alors
nécessaire de moyenner cette condu-ctance, gk+ = 125 S/m2, ainsi que le driving
force du potassium, VDf = 68.5 mV. On a
alors :
I = 125 x 68.5x10-3 x Surface de
la cellule
I = 1.55x10-7 A
Ce courant est 2.5 fois moins grand que celui engendré
par les ions sodium car la conductance de ce dernier est bien plus élevée,
démontrant encore une fois l’importance de cette propriété membranaire. De la
même manière qu’avec le sodium, on trouve un courant total de 1.65x10-7 Ampères, soit un
mouvement d’environ 1012 ions par
seconde. Ramené aux 2ms de la repolarisation, cela nous fait un total de 2
milliards d’ions K+ se propageant
au travers de la membrane.
Ces graphiques
montrent l’évolution de la conductance et perméabilité membranaire aux ions Na+ et K+ lors du potentiel d’action. A noter que la perméabilité
et la conductance sont deux caractéristiques liées et fondamentales de la
membrane cellulaire, mais qui ne s’appliquent pas au même domaine ; la
conductance est un terme électrique, la perméabilité un terme chimique.
vii. Propagation
d’un potentiel d’action
Principes
Afin
que le potentiel d’action fasse office de signal électrique interneuronal, cet
influx doit se propager le long de l’axone. La dépolarisation engendrée par la
diffusion d’ions sodium produit des sortes de courants locaux qui dépolarisent
alors à leur tour les régions voisines de la membrane plasmique en s’éloignant
du point d’origine de l’influx nerveux. L’influx parcourt donc
longitudinalement l’axone en partant de la dépolarisation initiale. De ce fait,
de nouvelles dépolarisations subséquentes s’effectuent dans les régions
adjacentes en faisant intervenir de nouveaux canaux et de nouveaux ions: le
potentiel est « regénéré » en tout point de la membrane. Celui-ci ne diminue donc
jamais en intensité : il garde la même amplitude.
Dans
l’organisme, les potentiels d’actions sont toujours produits à l’une extrémité
de l’axone. En revanche, il n’est qu’habituellement produit au niveau du cône
d’émer-gence. La propagation traditionnelle est caractérisée d’orthodromique, soit, partant du corps
cellulaire vers les terminaisons axoniques. Pourtant elle peut également être
de la forme antidromique, autrement
dit, allant des terminaisons vers le corps cellulaire.
Périodes réfractaires : absolues et relatives
Mais alors, qu’est-ce qui empêche un potentiel d’action
de parcourir un axone jusqu’à mi-chemin puis de rebrousser son trajet
soudainement ? C’est en réalité la présence de périodes réfractaires qui permettent cette propagation
unidirectionnelle. La période durant laquelle les canaux sodiques sont ouverts
caractérise l’instant de période
réfractaire absolue. Cette période décrit la dépolarisation et le début de
la repolarisation de la courbe du potentiel d’action ; elle s’étend du
moment de l’ouverture des canaux à sodium jusqu’à leur blocage par les vannes
d’inactivation. Au cours de cette période, le neurone est incapable de répondre
à un autre stimulus, quelle que soit son intensité, car tous ses canaux sont
déjà ouverts.
La phase succédant immédiatement à celui-ci est appelée période réfractaire relative. Celle-ci
correspond à la dépolarisation et à l’hyperpolarisation de la membrane axonale.
Certains canaux sodiques commencent à se réactiver alors que les canaux
potassiques restent encore ouverts. Il faut alors un stimulus
exceptionnellement intense pour rouvrir à nouveau les canaux ioniques à sodium
et produire un potentiel d’action.
Conduction continue
La propagation continue du signal nerveux repose sur le principe que le potentiel d’action parcourt un axone basique. Autrement dit, les canaux ioniques sont peu mais équitablement espacés, et la dépolarisation est régénérée en tout point et le voltage ne décroît pas. En revanche, ce type de propagation est lent car les canaux sont relativement proches les uns des autres : la dépolarisation doit alors s’effectuer de nombreuses par « point » de l’axone. En outre, le temps de latence due à l’ouverture des vannes de canaux sodiques est régénéré à chaque influx ionique, ce qui ralentit considérablement la conduction électrique. Ce type de propagation permet néanmoins une vitesse de transmission du signal électrique d’environ 15 à 25 m/s (54 à 90 km/h).
Conduction saltatoire
Nous venons de
voir le cas de la conduction nerveuse au sein d’un axone non myélinisé, dé-pourvu de graines de
myéline[9].
Ces graines iso-lent le courant à l’intéri-eur de l’axone, ce qui permet une
perte mini-male de voltage. Entre ces graines on retrouve des espaces appelés
nœuds de Ranvier. Ceux-ci comportent une très haute concentration de canaux
ioniques voltage-dépendants, environ 10 000/mm2 (comparé aux 200/mm2
sur les axons non myélinisés). Les potentiels d’action sont alors générés uniquement
au niveau de ces nœuds. On peut voir d’après le schéma que la dépolarisation au
niveau du nœud 1 (node 1) est assez importante pour déclencher une
dépolarisation au niveau du nœud 2 (node 2). Le potentiel d’action de propage
ainsi à une vitesse d’environ 120 à 150 m/s (432 à 540 km/h) et donne
l’impression qu’il est transmis de nœud en nœud, d’où le terme de saltatoire.
[1] Les neurones sensitifs ou récepteurs constituent le premier « niveau » de la perception dans le système nerveux. Ils sont responsables de la traduction des signaux physiques dans notre environnement en signaux chimiques et électriques.
[2]
Les canaux ioniques impliqués dans ce processus sont notamment des canaux
ligand-dépendants (dans le cas d’un potentiel postsynaptique) ou des canaux
activées par d’autres stimuli tels que la température, la pression etc. (dans
le cas d’un potentiel récepteur ou générateur). En revanche, les canaux
voltage-dépendants de la membrane plasmique ne s’ouvrent pas, car le changement
de potentiel membranaire issu d’un seul potentiel gradué ne suffit pas à
déclencher leur réaction.
[3]
A noter que le potentiel gradué est un phénomène débutant exclusivement au
niveau de la membrane plasmique du corps cellulaire et non au niveau de
l’axone. Ceci s’explique par le fait que les canaux ioniques à l’origine du
potentiel se situent sur la membrane plasmique du corps du neurone, pas sur
l’axone (qui ne contient que des canaux ioniques voltage-dépendants).
[4]
Les canaux transmembranaires figurés ici sont tous des canaux ioniques.
[5]
Voir page 20.
[6]
Avec ‘‘Q’’ étant la quantité totale de courant (en Coulombs : unité de
chargé élémentaire), ‘‘I’’ étant l’intensité du courant électrique et ‘‘t’’
étant le temps en secondes. Cette formule est intéressante car elle nous donne
la quantité totale de charge s’étant déplacée de part et d’autre de la
membrane, et par extension, la modification de voltage transmembranaire.
Sachant que les canaux voltage-dépendants (à l’origine de la production du
potentiel d’action) ne s’ouvrent qu’en réponse à un changement important de
potentiel de membrane, leur ouverture, et donc la production du potentiel
d’action sont directement liées à cette formule.
[7]
Voir « Sommation des PPS ».
[8]
Un ion monovalent est un ion portant une charge, comme l’ion sodium Na+
ou l’ion chlorure Cl-.
Il existe également des ions bivalents (Ca2+), trivalents (Fe3+)…
[9]
La myéline est une substance fabriquée par des cellules spécialisées : les
oligodendrocytes dans le système nerveux central, et les cellules de Schwann
dans les système nerveux périphérique. Elle est peu épaisse, d’environ 1 à 2mm
de longueur, constituée principalement de lipides, et sert à insoler et
protéger les axones. Elle est présente sur de nombreuses fibres
nerveuses ; notamment celles de la matière blanche dans le cerveau.
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